DOSSIER DE PRESSE

Le Soleil
Publié le 15 octobre 2009
Annette: de glace et de laine
Alexandra Perron

(Québec) Très chère Annette. On s'attache tout de suite à cette petite conçue un soir de Saint-Jean-Baptiste, née durant le Carnaval et prise d'un malaise le 20 mai 1980, jour de référendum, année de ses 26 ans. Dans son univers fait de glace et de laine, la vie n'est pas toujours rose. Mais l'auteure et comédienne Anne-Marie Olivier, qui incarne son héroïne sur les planches du Périscope, a ce don de montrer l'extraordinaire du monde ordinaire et d'en faire quelque chose de beau, de touchant, de poignant. Le tableau s'ouvre sur Limoilou, où Annette «tricote en bleu une belle province de 10 pieds de haut qui tient sur des béquilles un peu sur le camp». En manque de laine, elle ira en chercher à Place Fleur de Lys où elle sombre dans un état second et se retrouve projetée dans une partie de hockey.

Les accessoires de l'identité
Sur scène, Mme Olivier a eu l'audace d'enfiler des patins et de se déplacer sur de la glace synthétique. Oups, elle trébuche légèrement : «Après une petite steppette...» et elle continue son texte avec assurance et naturel, comme si de rien n'était. Mathieu Girard l'a rejointe à l'occasion, sobrement et efficacement, pour personnifier un parent ou un passant. Mais de sa cabane en bois, il s'occupe surtout de la musique et du bruitage qui enveloppe très bien l'histoire.
Annette raconte son épopée avec moult accessoires bien pensés, qui se transforment au fil du récit. Un gros pouf en tricot rouge lui sert de ventre de femme enceinte, de lit, de chien. Des balles de laine deviendront une rondelle de hockey ou un bébé. Son bâton lui servira de guidon de vélo ou d'aiguilles à tricoter. Une corde à linge s'ajoute au décor comme un autre clin d'oeil à l'identité québécoise. Anne-Marie Olivier aborde ainsi la question nationale avec beaucoup de finesse et de doigté. On sent également toute la recherche derrière son texte parsemé de trouvailles historiques. Comme ce boucher de la 5e Rue qui a dépecé sa femme par amour et qui croise le chemin d'Annette. L'historien Jean Provencher a vérifié son authenticité, confiait récemment l'auteure. Une heure trente durant, Anne-Marie Olivier nous tient en haleine, récite son conte, son théâtre, sa poésie avec conviction. Ses phrases riment bien, se répètent parfois, comme un refrain. «C'est à soir que je score de tout mon corps.» Son talent de conteuse est mis en valeur par un bel éclairage. Vraiment, toute la mise en scène de Kevin McCoy et la grande équipe de concepteurs ont su créer un moment magique. Mardi soir, lors de la première, le public est sorti du spectacle emballé. Seule chose, la langue d'Anne-Marie Olivier est si riche qu'on a envie d'y revenir une deuxième fois pour ne rien manquer.

Annette, une production de Bienvenue aux Dames!, est présentée au théâtre Périscope jusqu'au
7 novembre.

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Journal Le Devoir
Publié le 15 octobre 2009
                      
Théâtre - Ingénieuse tricoteuse
Sylvie Nicolas

Ça se passe à Limoilou, le 20 mai 1980, jour du référendum. Gérard est au garage, le petit est à l'école, Annette reprend ses broches et sa laine pour achever son tricot — un beau Québec tout bleu — avant d'aller voter. Le manque de laine l'oblige à se rendre à la Place Fleur de Lys et, aussitôt qu'elle met le pied dans le centre commercial, elle s'effondre. La vie d'Annette Rochette tient alors à un fil, une sorte de fil d'Ariane qui nous permet de remonter le cours de son existence.

Anne-Marie Olivier présente, sur la scène du Périscope, un solo vif et coloré, intitulé Annette, où s'entremêlent, brin par brin, l'amour du tricot, du quartier, du pays, de l'autre, de la vie et celui, à coup sûr, de la scène. Et parce qu'au Québec l'amour passe aussi par l'attachement au hockey, le tout se déroule sur fond de patinoire et trouve son aboutissement dans une période supplémentaire où le décompte des derniers instants de jeu se fait au rythme des derniers battements de coeur du personnage.

Chaussée de patins et vêtue d'une robe de lainage, Anne-Marie Olivier évolue sur une glace synthétique, dans un judicieux décor minimaliste surmonté d'une corde à linge. Un cabanon de bois, discret et parfaitement en accord avec le reste, permet d'abriter Mathieu Girard, le musicien et complice de jeu.

Le texte que signe la comédienne a la qualité des plus belles fibres de la tradition orale. Il est tricoté dans la langue du quotidien, une langue coulante, fluide, fine, poétique, rugueuse et imagée. Mais plutôt que de s'enrouler dedans pour se tenir au chaud et se bercer au coin du feu, Anne-Marie Olivier l'endosse, la revêt et la déroule à souhait.

Véritable Sainte Flanelle à elle seule, la comédienne offre une interprétation qui n'a rien à envier aux héros du hockey: elle travaille fort dans les coins, occupe toute la patinoire, effectue des montées qui soulèvent la foule et comble l'auditoire d'une magnifique échappée où elle « score », comme elle le dit, de tout son corps. C'est, pour reprendre le parler sportif, un tour du chapeau où Anne-Marie Olivier mérite la première étoile, où la mise en scène de Kevin McCoy nous confirme qu'il n'a pas joué sur le banc, où la finesse du multimédia de Lionel Arnould et les tricots de Marie-Ève Gagnon témoignent bellement du soutien des équipiers.

Le Périscope célèbre cette année ses 25 ans. En présentant Annette, il peut souffler ses bougies et formuler un souhait.

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Journal Voir
Publié le 15 octobre 2009
Jeu de mémoire
Martine Côté

Sous la plume d'Anne-Marie Olivier, Saint-Roch était devenu décor de théâtre. Avec Annette, pièce présentée au Périscope, lumière sur Limoilou.

La nouvelle héroïne de l'auteure, Annette Rochette, est foudroyée par un ACV en pleine Place Fleur-de-Lys... le jour du premier référendum. Pendant qu'Annette joue sa vie, le Québec joue son pays. Comme dans Gros et Détail, les petits événements côtoient les grands. "J'avais envie de relancer le dialogue sur la question nationale, mais sans l'aborder de front parce que dès qu'on touche au 20 mai 1980, beaucoup de gens se braquent", explique Anne-Marie Olivier.
C'est là qu'est née l'idée d'une métaphore avec une partie de hockey, "vu que de toute façon, le projet national est pas mal sur la glace... Et que l'appartenance à une équipe de hockey est souvent plus forte que celle au pays", affirme Olivier, de sa petite voix rieuse.
Dans la tête de l'auteure, la petite et la grande histoire s'entremêlent; les gens inspirants sont ceux qu'elle appelle "les petites gens géants". En matière de héros ordinaire, difficile d'accoter son Annette Rochette: une mère engrossée en vitesse un soir de Saint-Jean-Baptiste par un homme "qui se zippe et qui s'en va". Née en pleine parade du Carnaval, elle "délivre" l'épicerie à 11 ans et "pète des yeules à 15". Le tout, dans Limoilou, "parce que comme elle, Limoilou, c'est à la fois tendre et rock'n'roll".
ET SI C'ETAIT VRAI?
Quelque part entre la vie et la mort, le personnage d'Annette voit défiler devant elle son existence en dents de scie. Réalité ou fantasme que ce supposé film de notre vie? Anne-Marie Olivier a posé la question au neurologue Francis Bernard: "Il m'a dit qu'au moment de la mort cérébrale, tes neurones ont une démarche adrénergique et que si y'a un seul moment où tu peux voir ta vie défiler, c'est à ce moment-là. Lui, il y croyait."
Également au générique du nouveau spectacle d'Anne-Marie Olivier, on trouve Jean Provencher, chargé de la validation de certains faits historiques. Au final, il n'y a pas que le savoir de l'historien qui traverse la pièce, mais aussi un morceau de sa propre vie: "Jean m'a raconté qu'avant l'ère du recyclage, il prenait ses bouteilles de vin vides, y insérait des messages, avec ses coordonnées, les jetait à l'eau et attendait le résultat ou le coup de téléphone. C'était trop beau, fallait que je l'utilise!" confie l'auteure.
TOUJOURS SUR LE METIER
Entre Annette et Gros et Détail, surnommé affectueusement "Gros" par sa créatrice, il y a eu Le Psychomaton, un texte commandé à l'auteure par le Groupe Ad Hoc. Le succès du spectacle s'est porté pâle... Loin d'être déçue, Anne-Marie Olivier analyse: "Une commande, c'est vraiment un autre monde. Ça demande un détachement. Faut que tu acceptes de voir des défauts de construction et de ne pas pouvoir les réparer. Quand c'est ta compagnie, tu peux travailler sur les fils qui dépassent jusqu'à la dernière minute." Des mailles, elle semble en voir constamment, car ses textes font l'objet d'une intense réécriture: "Y'a déjà eu une douzaine de versions d'Annette!" Elle explique: "La personne qui paie 30 $ en plus de la gardienne, faut que j'essaie de lui dire quelque chose qui vaut la peine. Je me demande constamment si ce qu'on dit est assez important, si on dit assez de choses."
Retour au solo, donc, mais "un solo en équipe", précise-t-elle. Une équipe à l'allure olympique, qui a aussi pour mission de "le dire quand c'est pas bon!" Et le jugement est crédible quand il provient de Karine Ledoyen, Kevin McCoy et Lionel Arnould, tous deux collaborateurs de Robert Lepage, ou Claudie Gagnon, "mon Alice au pays des merveilles", commente la dramaturge. Quant au conjoint-musicien, Mathieu Girard (Les Batinses), il interprète sur scène la trame composée pour Annette et, au passage, quelques personnages secondaires.
LIMOILOU, MON AMOUR
"J'adore Limoilou. C'est un des plus beaux quartiers", affirme Anne-Marie Olivier. "Y'a plein d'affaires qu'on peut voir juste dans Limoilou. Y'a quand même une coopérative où vivent des communistes et des anarchistes!" Le théâtre d'Anne-Marie Olivier n'a rien du tour de ville touristique. Avec Annette, on visite plutôt la boucherie de la 5e Rue, où le proprio a découpé sa femme en quartiers, les bineries ou la "forteresse du seigneur Giffard".
Les lieux n'ont peut-être rien de bucolique, mais ils inspirent à Anne-Marie Olivier une langue poétique, qu'elle travaille comme du son. "Ce qui m'intéresse, c'est la musique des mots. C'est l'fun quand ça sonne." Pour écrire Annette, elle s'est plus que jamais astreinte à manier le vers. "C'est comme un muscle, une fois que tu commences à le travailler, il répond. Je me mets à faire un ou deux paragraphes et là, ça sort. Dans ce temps-là, je m'énerve parce que je parle et je me mets à rimer!" Elle s'empresse d'ajouter: "Mais, c'est pas de la poésie vaporeuse. Je voulais quand même qu'il y ait de l'action, des microaventures." De fait, la vie de son Annette n'a rien d'un chemin de traverse. À l'image de la quête d'un pays. Ou de la coupe Stanley, quoi...